Une Voix Singulière

atelier écriture

nous connaissons toutes et tous ce qu’est « la voix ». 
nous sommes capables aisément de reconnaître une voix parmi mille. celle que l’on connait. celle qu’articule une bouche dont on reconnait l’intonation, l’intensité, sa manière singulière d’être et de dire.
c’est la voix de l’oralité. c’est la voix originaire du récit. c’est le lien direct, physique, d’être à être. c’est le livre ouvert à qui est là et l’entend. c’est un partage immédiat et éphémère dont ne demeure « que » la mémoire. et la transmission de bouche à oreilles.  

nous connaissons peu ou mal « la voix muette ». 
celle qui ne trouve son articulation que dans la langue écrite / dans son souffle / 
c’est-à-dire dans sa syntaxe c’est-à-dire dans la façon absolument unique que chacun.e trouve, retrouve, découvre lorsqu’il entre dans le geste d’écrire. 
dans ce lien intrinsèque et mystérieux qui relie une main (et non plus une bouche) à un dire jusqu’alors inconnu de soi (puisque non verbalisé) et que seule l’écriture va révéler « au monde ».  

écrire est une aventure intérieure.
l’écriture est la trace du voyage. 

l’écriture est une trace lisible. 
qui s’adresse non plus à un autre présent directement mais à un autre - absent, un lecteur. et le premier de ces lecteurs est l’auteur. 
non que l’auteur soit absent de son texte, mais il est autre que la personne en chair et en os. il a tout entier « disparu » dans une voix. écrite. 
et le lecteur, inconnu, ne connaîtra de lui que cette voix. cette voix qui n’existe que là. sur la page. cette voix que l’auteur va pouvoir « travailler » jusqu’à ce qu’elle soit totalement ajustée à ce qu’il entend du texte qu’il écrit, à ce qu’il entend de sa voix inaudible aux autres. jusqu’à ce que cette voix soit lisible par d’autres, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’elle soit en accord « forme et fond ».  

l’écriture est la voix muette.
écrire est la mise en forme de cette voix.

 

ce n’est pas le poète qui fait le poème, c’est le poème qui fait le poète.

Dominique Fourcade

 

Le style pour l’écrivain aussi bien que la couleur pour le peintre, est une question non de technique mais de vision.
Il est la révélation qui serait impossible par des moyens directs et conscients, de la différence qualitative qu’il y a dans la façon dont nous apparait le monde, différence qui, s’il n’y avait l’art, resterait le secret éternel de chacun.

Marcel Proust

 

tous les oiseaux parlent
la langue de l’aurore
dans des dialectes divers.

Kenneth White

 

A tracer de quoi tenir droite je penche
C’est de coucher sur le papier drôle d’expression
Et je songe au vieux sage qui disait qu’on n’a pas même à soi un nom
Et je signe ce que j’éprouve sans trop en faire une montagne de mes oignons

Valérie Rouzeau

 

Même dans la prose, il faut que le son sache tenir tête au sens. On n’est pas écrivain sans avoir le sentiment que le son, dans le mot, vient lester le sens, et que le poids dont il est ainsi doté peut l’entraîner, légitimement, à l’occasion, dans de singulières excursions centrifuges.
L’écriture comme la lecture est le mouvement, et le mot s’y comporte en conséquence comme un mobile dont la masse, à si peu qu’elle se réduise, ne peut jamais être tenue pour nulle, et peut sensiblement infléchir la direction.

Julien Gracq

 

Il s’agirait de se tourner vers ce qui apparaît
et de lui adresser la parole

Paul Celan

 

l’aubaine
de pouvoir s’échapper
en prenant un chemin
parsemé de curieux éclairs

Franck André Jamme